Des composés organiques volatils d’huiles essentielles pour un contrôle durable des champignons phytopathogènes en agriculture

La quantité de pesticides de synthèse appliqués en viticulture est relativement élevée par rapport aux autres cultures, en raison de la grande sensibilité de la vigne (Vitis vinifera L.) aux maladies fongiques, telles que le mildiou (Plasmopora viticola), l’oïdium ou la pourriture grise (Botrytis cinerea). Des alternatives pour réduire les fongicides sont absolument nécessaires afin d’assurer la viabilité des écosystèmes viticoles et de répondre à une certaine attente des consommateurs. Les huiles essentielles (essential oil EOs) font partie des produits naturels les plus prometteurs pour la protection des plantes et ont démontré leurs propriétés antibactériennes, antivirales et antifongiques sur plusieurs cultures agricoles. Cependant, l’efficacité des huiles essentielles dépend fortement du moment et de la méthode d’application. De plus, les interactions moléculaires entre l’hôte, le pathogène et l’huile essentielle, qui sous-tendent leur efficacité, ne sont pas comprises.

Pour contourner les inconvénients de l’application directe, le présent projet visait à déterminer si une fumigation continue d’EO pouvait contrôler différents  pathogènes et dans un deuxième temps, à comprendre les interactions moléculaires et les mécanismes de défense de l’hôte et des agents pathogènes causées par l’application de l’EO. Dans le cadre du projet, une chambre climatique sur mesure a été construite, ce qui a permis de procéder à une fumigation continue de vignes en pot avec différents types d’huile lors d’expériences à court et à long terme. Une méthode GC-FID a été développée afin de déterminer les différents constituants des EO ainsi que la concentration de vapeur à l’intérieur de la chambre. Différents huiles essentielles ont d’abord été choisies en fonction de leur efficacité rapportée dans la littérature et testées sur différents agents pathogènes de la vigne. Leur effet a été évalué visuellement. Les huiles les plus efficaces étaient celles de Thymus vulgaris et Origanum vulgare, qui ont ensuite été utilisées pour des études moléculaires à long terme sur l’agent pathogène le plus «sensible», P. viticola. Plusieurs expériences ont été réalisées avec des boutures de vigne de Chasselas, infectées par P. viticola et exposées à une fumigation continue de différentes concentrations et durée d’application d’EO. La physiologie de la plante (photosynthèse, vitesse de croissance) a été suivie et des feuilles ont été échantillonnées à différents moments pour une extraction ultérieure de l’ARN.

Comme résultat principal du projet, nous avons pu montrer que le traitement à la vapeur d’huile d’O. vulgare pendant 24h après l’infection était suffisant pour réduire le développement du mildiou à 95%, ce qui prouve l’hypothèse selon laquelle la phase vapeur peut suffire à contrôler les agents pathogènes. L’observation visuelle a pu être confirmée par l’extraction de l’ARN, le séquençage et le mapping sur les génomes de V. vinifera et de P. viticola. Moins de 1% des séquences ont pu être associés au génome de P. viticola à partir des échantillons traités contre 30% à partir des contrôles non-traités, ce qui confirme l’absence de P. viticola en présence de traitement. Une moyenne de 80% des séquences ont pu être associées au génome de V. vinifera pour l’analyse d’expression, ce qui a donné un total de 4’800 transcrits différentiellement exprimés.

L’analyse de gènes différentiellement exprimés a montré que les gènes activés par le traitement à l’EO étaient principalement liés à la réponse au stress biotique des plantes et aux interactions plante-pathogène. Les gènes clés contrôlant la synthèse d’éthylène, de phénylpropanoïdes et de flavonoïdes étaient également fortement activés par l’EO. Ces résultats visaient en premier lieu à élucider les interactions huile-hôte-pathogène et à montrer que l’efficacité antifongique de l’huile est principalement due au déclenchement du système immunitaire inné des plantes hôtes. Ces résultats revêtent une importance majeure pour la production et la recherche sur les biopesticides, les produits de stimulation des plantes ainsi que pour les stratégies de sélection de plantes résistantes.

Valorisation

RIENTH, M., CROVADORE, J., GHAFFARI, S., LEFORT, F., 2019, Oregano essential oil vapour prevents Plasmopara viticola infection in grapevine (Vitis vinifera) and primes plant immunity mechanisms, PLoS ONE, 14(9): e0222854 (lien)

RIENTH M, GHAFFARI S., CLEROUX M., PERNET A., CROVADORE J., REMOLIF E., BURDET J.-P., LEFORT F., Volatile organic compunds from essential oils as a sustainable alternative to pesticides –deciphering the molecular basis underlying their mode of action and their role as plantimmunity primers, The Second Annual Meeting of COST Action CA17111 “INTEGRAPE 2020”: Multi-omics data integration for genotype-phenotype association, 3-5 mars 2020, Ljubljana, Slovénie

RIENTH M., CROVADORE J., GHAFFARI S., CLÉROUX M., PERNET A., REMOLIF E., BURDET J.-P., LEFORT F., Origanum vulgare vapor primes defense mechanisms in grapevine (Vitis vinfera) and hampers Plasmopora viticola infection, OENOBIO International Conference, 18 novembre 2019, Bucarest, Roumanie

RIENTH M., GHAFFARI S., CLEROUX M., PERNET A., CROVADORE J., REMOLIF E., BURDET J.-P., LEFORT F., Autodefense pathways of Vitis vinifera (Chasselas) can be triggered by essential oil vapor, which blocks downy mildew (Plasmopora viticola) infection, 42nd World Congress of Vine and Wine, 15-19 Juillet 2019, Genève, Suisse

Responsable du projet à Changins Dr Markus Rienth Professeur de viticulture T +41 22 363 40 61

2017 – 2019

Partenaires: Hepia

Financement: HES-SO